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Germaine POINSO-CHAPUIS

Les élections régionales et départementales ont rendu leur verdict avec l’onde de choc provoquée par une abstention record que personne n’avait anticipée. Les causes de ce désamour des Français pour la vie politique sont multiples et pourraient faire l’objet d’un long débat.

Soulignons cependant plusieurs points positifs dans les modalités du scrutin, avec, pour la première fois, une obligation de stricte parité sur les listes électorales. Du coup, on comptait quasiment autant de candidates que de candidats (9486 femmes et 9598 hommes). Cet engagement des femmes dans la vie politique française n’est pas récent et n’a pas été facile, vous vous en doutez. D’Olympe de Gouges (1748 – 1793) à Françoise Giroud (1916 – 2003), en passant par Louise Michel (1830 – 1905), les femmes ont cherché à s’émanciper tout en participant à la vie politique de notre pays. Germaine Poinso-Chapuis fut aussi l’une d’entre elles. Son nom vous est probablement inconnu et pourtant, elle a marqué son époque en devenant la première femme ministre de l’histoire de la République. Issue d’une famille de négociants catholiques ardéchois, Germaine Poinso-Chapuis est née à Marseille le 6 mars 1901. Après de brillantes études, elle obtient une licence de droit puis un doctorat en droit romain. C’est donc tout naturellement qu’elle devient avocate au barreau de Marseille en 1921. Chose rare, à l’époque.

Son principal cheval de bataille en tant que juriste sera la défense et la protection des enfants et elle va diriger, de 1946 à 1979, l’Association régionale de sauvegarde de l’enfance et l’adolescence de Marseille (A.R.S.E.A). Les ravages de la guerre avaient amplifié les problèmes de l’enfance (enfants errants, familles disloquées, explosion de la délinquance). En 1964, les A.R.S.E.A deviennent les C.R.E.A.I. (Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées). Derrière le terme « inadaptées », il faut sous-entendre enfants délinquants, en danger physique ou moral.

Autre cause qui lui tient à cœur : « la valorisation professionnelle et intellectuelle, morale et sociale de la femme » grâce au club Soroptimist qu’elle va cofonder à Marseille, en 1929. Ce mouvement créé en 1921 à Philadelphie (Pennsylvanie) compte aujourd’hui près de 100 000 membres dans plus de 120 pays. C’est un réseau mondial de femmes actives qui mettent à profit leurs compétences en faveur des droits humains, du statut de la femme et de l’égalité femmes-hommes, et ce, sans connotation politique ou religieuse. Littéralement, Soroptimist vient de l’expression « sorores ad optimum » qui signifie « sœurs pour le meilleur » et transformé en « le meilleur pour les femmes » (« The best for Women ») dans la version anglaise.

Autre engagement de Germaine Poinso-Chapuis et non des moindres : sa participation à la Résistance au sein du Mouvement de libération nationale (MLN), durant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés de Gaston Defferre. Lorsque ce dernier décide de prendre le maquis, elle le remplacera dans son cabinet d’avocat tout en gérant la caisse de résistance du Parti socialiste à Marseille. Elle participe activement à la vie politique locale au sein de commissions de la délégation municipale provisoire.

Ainsi va débuter sa longue carrière politique. Locale, d’abord, en tant que conseillère municipale de la cité phocéenne, de 1945 à 1959. Puis nationale, lorsqu’elle figure parmi les toutes premières femmes députées de France, de 1945 à 1955. Elle représentera la première circonscription des Bouches du Rhône sous l’étiquette du Mouvement républicain populaire (MRP), un parti démocrate-chrétien et centriste.

Le point d’orgue de cette ascension fulgurante sera sa nomination au poste de ministre de la Santé publique et de la Population au sein du premier gouvernement de Robert Schuman, du 24 novembre 1947 au 26 juillet 1948. Avant elle, les rares femmes nommées au gouvernement n’étaient « que » secrétaires d’état. Et il faudra patienter 27 ans pour retrouver une nouvelle femme ministre de plein exercice, en la personne de Simone Veil, une autre figure et une autre carrière remarquable.

Durant les huit mois passés au gouvernement, Germaine Poinso-Chapuis va faire voter des lois en faveur de la santé publique et la protection de l’enfance. Elle doit faire face à une farouche opposition politique et un manque criant de budget, en cette période d’après-guerre compliquée. Elle poursuivra son activité parlementaire jusqu’en 1956, occupant même le poste de vice-présidente de l’Assemblée nationale à deux reprises. Puis retour aux fonctions municipales jusqu’en 1959, avant de se consacrer aux œuvres associatives dans le domaine juridico-social. En 1973, elle est nommée présidente du Centre technique national de l’enfance inadaptée. Elle meurt le 18 février 1981 à Marseille. Cette année-là, le gouvernement de Pierre Mauroy, Premier ministre de l’époque, comptera six femmes dont Edith Cresson qui deviendra la seule et unique Première ministre de notre pays en 1991.

Eh oui, les mentalités évoluent lentement mais sûrement. Désormais, nous avons la quasi parité dans le gouvernement, les conseils municipaux et départementaux, l’Assemblée nationale. Cinq régions sur dix-sept (en incluant la Réunion, la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe) seront dirigées par des femmes. C’est trois de plus qu’il y a 5 ans.

Seul le Sénat fait encore figure de bastion masculin, avec seulement 25 % de sénatrices.

Prochaine étape ? Une femme à l’Élysée ? Sommes-nous prêts ?

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