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  • Julie-Victoire Daubié

Selon la dernière étude du ministère de l’Éduction nationale sur le niveau de formation des élèves (Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’enseignement supérieur 2020), en 2018, 92% des lycéennes ont obtenu leur baccalauréat général, contre 89% des lycéens. Les proportions sont quasi identiques, respectivement 91% et 86%, si l’on ajoute les bacs pros et technos. Même constat pour les mentions « bien » ou « très bien », qui ont été attribuées à 25% des bachelières contre 19% des bacheliers, toutes filières confondues… Et que les mauvaises langues ne viennent pas dire que ces jolis scores sont dus au fait qu’elles étaient plus nombreuses (53,9% de lycéennes en 2018) ! Ces écarts sont récurrents depuis des décennies, même s’ils ont tendance à se resserrer année après année.

Ces résultats forcent donc le respect et démontrent surtout que les notions d’égalité et de parité femme-homme vont, hélas, s’inverser, notamment, en entrant dans la vie active.

Si aujourd’hui, les filles dominent ce classement du baccalauréat, rappelons que l’accès à cet examen leur a longtemps été interdit, sous prétexte que « les femmes n’avaient pas besoin de ça ».

C’est pourquoi je souhaite mettre à l’honneur Julie-Victoire Daubié, la première femme française à s’inscrire et obtenir le baccalauréat le 17 août 1861, soit 53 ans après la création cette épreuve par Napoléon Ier. À l’époque, les candidats concouraient pour cinq disciplines seulement (sciences, lettres, droit, médecine et théologie).

Notre jeune précurseur est originaire de Bains-les-Bains, dans les Vosges. À la mort de son père, la famille s’installe à Fontenoy-le-Château où la fratrie va suivre le catéchisme. Ce sera quasiment leur seule source d’éducation. C’est donc en autodidacte qu’elle se lance dans l’écriture de son premier essai, à 25 ans, intitulé La Femme pauvre au XIXe siècle, et avec lequel elle remporte le premier prix du concours de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon le 21 juin 1859. Son frère prêtre lui apprend le grec et le latin, langues nécessaires, à l’époque, pour pouvoir passer le fameux examen. Ce n’est que cette année-là qu’elle peut s’inscrire à la faculté des Lettres de Lyon, mais uniquement avec l’aide de François Barthélémy Arlès-Dufour, un influent industriel lyonnais, admiratif de l’œuvre littéraire de la jeune Vosgienne. Deux ans plus tard, elle y passera les épreuves dans une pièce spécialement réservée, pour ne pas se mélanger avec les hommes.

Voici un extrait du commentaire du jury, lors de la publication de ses résultats :
« Nous sommes heureux d’annoncer qu’elle a été reçue avec distinction et qu’elle s’est montrée bonne latiniste, soit dans les compositions, soit dans les explications. On peut citer un certain nombre de femmes qui au Moyen Âge et surtout à l’époque de la Renaissance, ont obtenu leur bonnet de Docteur, mais Mademoiselle Daubié est certainement le premier bachelier de sexe féminin qu’ait proclamé l’université de France ».
Et malgré ces louanges, il a fallu plusieurs mois et l’intervention de l’impératrice Eugénie, pour que le ministre de l’Instruction publique signe le précieux document. Trop dégradant pour la gent masculine, selon lui.

Femmes aux multiples facettes, elle va d’abord créer une entreprise de broderie en 1862, donner des conférences, puis devenir journaliste économique.
Très attachée à la situation des femmes dans la société, elle crée l’Association pour le suffrage des femmes en 1871, et se fixe un nouvel objectif : obtenir la licence ès lettres de la Sorbonne où les femmes ne peuvent toujours pas y étudier. C’est donc en candidate libre qu’elle réussit son examen le 28 octobre 1871. Une première, encore cette fois-ci.

Elle ne pourra malheureusement pas achever sa thèse de doctorat, intitulée La Condition de la femme dans la société romaine, car elle succombera de la tuberculose le 25 août 1874.
Sa soif de connaissance, sa ténacité, ses combats pour l’éducation et l’émancipation des femmes ont fait d’elle l’une des plus grandes féministes de son époque et dont la notoriété rayonnait dans toute l’Europe et même aux États-Unis.
Robert Oppenheimer a dit « L’homme est poussé par le besoin de savoir ». Bien avant lui, Julie-Victoire Daubié a mis en pratique ce principe sans relâche et durant toute sa vie. Les lycéennes lauréates d’aujourd’hui, ne pouvaient pas lui offrir un plus bel hommage.

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