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Même si vous n’êtes pas fan de foot, vous n’avez pas pu passer à côté des récentes performances des clubs français (masculins et féminins) en Ligue des Champions UEFA, à la fin du mois d’août. La double performance des joueurs de l’Olympique Lyonnais, face aux mastodontes turinois (la Juventus) et mancunien (Manchester City), n’a rien à envier à la place de finaliste des joueurs du Paris Saint-Germain (défaite 0-1 contre le Bayern de Munich).

Mais que dire de l’exploit des « Fenottes », ainsi que l’on surnomme les joueuses de l’Olympique Lyonnais et qui, elles, ont remporté leur septième titre de championnes d’Europe face à l’équipe allemande de Wolfsburg, le cinquième d’affilée !

« Le football féminin est un sport de ballon qui se joue à onze, et à la fin, ce sont les Lyonnaises qui gagnent ». Cet adage est répété en boucle depuis plusieurs saisons, tant la domination des joueuses rhodaniennes, sur les scènes française et européenne, est marquante. Rendez-vous compte : depuis 2004, date de sa création, la section féminine de l’OL a remporté 31 titres.

Une seule joueuse a été de toutes les épopées et donc de tous les trophées. Il s’agit de l’emblématique capitaine, Wendie Renard, formée au club et pro depuis l’âge de 16 ans. Pour elle non plus, les superlatifs ne manquent pas. Du haut de ses 1,87 m, la défenseure de Lyon et de l’équipe de France féminine ne compte pas moins de 117 buts à son actif avec son club et 24 buts en sélection avec l’équipe de France, ce qui est inédit à ce poste de jeu.

Autre joueuse remarquable de l’effectif lyonnais : la norvégienne Ada Hegerberg. L’attaquante aux 220 buts avec les Fenottes, force le respect et l’admiration auprès de tous les amateurs du ballon rond. Elle est devenue la première lauréate du Ballon d’or féminin, en 2018, rejoignant ainsi les Zidane, Messi et Ronaldo dans la légende du football.

Outre son engagement sans limites sur la pelouse, Hegerberg milite également pour plus d’égalité et de respect envers les footballeuses en particulier et toutes les sportives en général. Pourtant, fin 2017, la fédération norvégienne avait pris une décision historique, en annonçant que les joueuses de la sélection toucheraient le même salaire que leurs homologues masculins. Pas suffisant pour Hegerberg qui va, malgré tout, boycotter l’équipe nationale, à cause, selon elle, « du manque de moyens, d’installations et d’investissements » en faveur des joueuses, notamment dans le championnat norvégien, où près de 80 % des d’entre elles gagnent moins de 10 000 € par an.

Hasard du calendrier : le film documentaire « Les Joueuses », réalisé par Stéphanie Gillard et produit par Julie Gayet, a été présenté, en avant-première, trois jours après le sacre des Lyonnaises. À l’instar des « Yeux dans les Bleus » pour les garçons, lors de la Coupe du monde de foot 98, le long-métrage nous plonge dans le quotidien de l’OL féminin durant la saison 2018-2019. Déjà, à l’époque, les revendications des joueuses appelaient à « changer les mentalités ». Il y est question de quête de « respect » et de « reconnaissance ». L’absence de parité et d’égalité hommes-femmes qui touche la société en général, n’épargne pas le monde du sport. Pis, les disparités y sont encore plus flagrantes, compte tenu des sommes astronomiques qui y transitent. En France, en 2019, le salaire mensuel moyen d’une footballeuse professionnelle était de 2 494 € brut contre 73 000 € chez les hommes !

Autre exemple qui interpelle : le récent contrat de partenariat entre la star norvégienne et l’équipementier NIKE, d’un montant, soi-disant « record », d’un million d’euros sur 10 ans, est à relativiser, si on le compare à celui de Mbappé, qui perçoit 2 à 3 millions d’euros… par an. Certains diront que ce n’est pas comparable, que Mbappé est bien plus célèbre, plus fort, plus technique. Oui, peut-être, et alors ? Hegerberg et ses co-équipières s’entraînent tout aussi durement et aussi longtemps que les hommes, jouent des matchs de 90 minutes, sur un terrain aux dimensions identiques. Et en plus, elles restent moins longtemps au sol après un tacle ou un mauvais coup, ne jouent pas aux pin-up sur les réseaux sociaux et ne s’affichent pas au volant de supercars. Pas de quoi justifier de tels écarts salariaux, vous en conviendrez.

Aux États-Unis, les joueuses de l’équipe féminine de foot quadruple championne du monde et emmenée par la star Megan Rapinoe, sont bien plus populaires que leurs homologues masculins. Devinez qui touche les plus grosses primes ? Les hommes bien sûr, avec l’aval de la justice américaine qui a débouté toutes les requêtes déposées par les joueuses.

Ce serait un raccourci trop facile d’affirmer que le monde du sport (dirigeants, sponsors, fédérations, athlètes masculins, médias) est, depuis très longtemps, un monde d’hommes, de machos, qui n’ont eu de cesse de dévaloriser les performances des athlètes féminines pour mieux se partager les revenus générés par les compétitions. Néanmoins, force est de constater que les mentalités évoluent trop lentement.

Cet été, TF1 a finalement sorti le chéquier pour acquérir les droits de retransmission de la finale masculine de la Ligue des Champions, en espérant que Lyon et/ou le PSG seraient de la partie. Le jour J, la plupart des chaines d’info en continu ont consacré des éditions spéciales dignes d’un mariage princier ou d’une élection papale. On pouvait suivre, minute par minute, les faits et gestes de l’équipe parisienne, jusqu’au coup d’envoi. On connait la suite, hélas… Mais qu’on se rassure, le record d’audience a été battu ce soir-là, par la chaine française.

Quid des filles ? Pas de bouleversement de programme pour elles. C’est sur une chaine payante, Canal+, et une autre de la TNT, W9, qu’elles ont triomphé, avec, là aussi, des records d’audience battus sur les deux antennes. Peut-être que TF1 pensait que les Parisiens allaient avoir plus de chance que les Lyonnaises ? Idem chez France Télévision ?

Au lendemain de leur victoire, le quotidien sportif L’Équipe a préféré consacrer sa Une au cycliste Julian Alaphilippe, qui venait de s’emparer du maillot jaune du Tour de France. L’exploit des Lyonnaises a été mentionné dans un bandeau, en haut de la page. Certains journalistes sportifs ont justifié ce choix éditorial en indiquant que la Grande boucle est bien plus populaire que le football féminin. Raison plus pour mettre nos sportives sur le devant de la scène et les rendre ainsi « populaires ». Et le Tour dure trois semaines, n’est-ce pas ? Donc pas de quoi lui faire de l’ombre, si de temps en temps, on évoque d’autres performances, féminines, qui plus est.

On avait cru que l’engouement suscité durant la dernière Coupe du monde de foot féminin, qui plus est, disputée en France, aurait définitivement placé nos joueuses et joueurs sur un pied d’égalité. On l’avait espéré aussi pour nos handballeuses (doubles championnes du monde) et basketteuses (vice-championnes d’Europe), surfeuses, sprinteuses, volleyeuses, skieuses, nageuses…

Soulignons quand même quelques signes encourageants. Après l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Norvège et l’Angleterre, c’est la fédération brésilienne de foot qui vient, tout récemment, d’officialiser l’alignement des primes des joueuses de la Seleção (la sélection brésilienne pour les non-initiés) sur celles de leurs homologues masculins, à l’occasion des rencontres internationales. La pression monte donc au sein de la FFF (Fédération Française de Foot), qui ne peut rester indifférente et doit prouver, au contraire, que la notion « d’égalité » fait bien partie de notre devise nationale. Les joueurs, quant à eux, pourraient jouer la « fraternité », en plaidant la cause des Bleues. Imaginez la une des journaux : « Griezmann, Pogba et les Bleus réclament l’égalité hommes-femmes pour les primes de sélection et menacent de faire grève ». Honnêtement qui s’en émouvrait ?

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