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Vous êtes-vous déjà demandé quel était le titre original de chaque film que vous avez regardé ? Que vous soyez littéraires, traducteurs, interprètes, cinéphiles avertis ou bien simples curieux, quelle a été votre surprise de constater que les distributeurs se sont octroyé quelques libertés lors de la traduction de l’anglais vers le français !? Et cela ne date pas d’aujourd’hui ! Souvenez-vous du film North by Northwest, d’Alfred Hitchcock, sorti en 1959 et que l’on peut aisément traduire par Nord Nord-Ouest. Non ? Cela ne vous revient pas ? Mais si, faites un effort ! Il y eut cette scène mémorable où Cary Grant est poursuivi puis survolé de très près par petit avion dans un champ. Eh oui, ce classique du suspense hollywoodien est plus communément connu sous le titre de La Mort aux trousses. Je vous l’accorde, c’est un poil plus « accrocheur » qu’un banal point cardinal. Et il est vrai que Cary Grant et Eva Marie Saint flirtent plusieurs fois avec la mort au cours de leurs péripéties. Je vous rassure : Les Oiseaux (Birds), Psychose (Psycho) et L’Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much) sont restés fidèles aux titres originaux.

Dix ans après La Mort aux trousses, c’est Henry Hathaway qui signe True Grit (Le Vrai courage). Le titre français 100 dollars pour un shérif évoque bien l’intrigue du film à un détail près :  la jeune Matty Ross (Kim Darby) qui souhaite venger la mort de son père, assassiné, engage un représentant de la loi, Rooster Cogburn, incarné par John Wayne pour accomplir cette tâche. Sauf que ce dernier n’est pas shérif mais marshal… On peut se demander si les distributeurs français ont bien vu le film avant de décider du titre.

Si l’on veut trouver un titre plus explicite encore, je pense que Morgan Stewart’s Coming Home (littéralement Morgan Stewart rentre à la maison), de Paul Aaron, est LA référence. Cette comédie sortie en 1987, raconte les désillusions de Morgan, un collégien rappelé au domicile familial afin de « booster » la campagne électorale de son père. Si le titre original nous plante le décor, sa traduction française va carrément « divulgâcher » (spoiler pour les fans de séries) puisque cela donne : Qu’il est dur d’être farceur, d’aimer la musique pop et les films d’horreur quand on a un père qui se présente aux élections. Non vous ne rêvez pas ! Allez faire tenir ça sur l’affiche ou le ticket de cinéma !

Parfois, c’est une question de point de vue qui diffère de chaque côté de l’Atlantique. Même si Michael Cimino a souhaité évoquer les atrocités de la guerre du Vietnam et ses conséquences sur ses protagonistes (on retrouve, entre autres, dans le casting Robert de Niro, Meryl Streep et Christopher Walken), il a choisi d’intituler son film The Deer Hunter (Le Chasseur de cerf). En effet avant d’être incorporés, les trois amis avaient l’habitude de chasser le cerf. Rien à voir, avec l’enfer qui les attendait. C’est sans doute pour cela que la version française s’appelle Voyage au bout de l’enfer. Pas d’ambiguïté possible ici.

Surfer sur la vague du succès d’un autre film est aussi une source d’inspiration pour les distributeurs. Avec, cependant, une réussite relative. Prenez Le Flic de Beverly Hills (Beverly Hills Cop) de Martin Brest, avec Eddy Murphy et sorti en 1984. L’engouement du public pour les frasques de l’inspecteur Axel Foley fut tel, que les producteurs en firent deux suites (en 1987 et en 1994). En 1997, le réalisateur Thomas Carter fait donc aussi appel à Eddy Murphy, alors au sommet de sa popularité, pour incarner un négociateur de la police de San Francisco dans le film Metro, en référence, sans doute à l’une des principales scènes d’action qui se déroule à bord d’un tramway de la ville californienne. En France, on avait déjà eu Subway, de Luc Besson, et que les Américains ont traduit par…Subway. Il aurait été donc logique de garder Métro pour le film de T. Carter. Au lieu de cela, les distributeurs français ont préféré Le Flic de San Francisco. Ça ne vous rappelle rien ? Au final, pas de record au box-office, pas plus en France qu’aux États-Unis. Est-ce qu’un Flic de Beverly Hills 4 aurait été plus vendeur ? Nul ne le sait.

En revanche, parmi les nombreuses sagas cinématographiques qui ont su tirer leur épingle du jeu, citons celle des Die Hard (Dur à cuire, dans le texte) qui totalise cinq opus entre 1988 et 2013. Quinze ans durant lesquels Bruce Willis, alias le lieutenant John Mc Lane, a d’abord combattu des preneurs d’otages dans un gratte-ciel comparé à un Piège de cristal (pour le premier Die Hard de John Mc Tiernan), puis eu 58 minutes pour vivre (Die Hard 2 : Die Harder, de Renny Harlin) et sauver plusieurs avions de la catastrophe. Dans Die Hard with A Vengeance, de John Mc Tiernan (que l’on aurait pu traduire par Dur à cuire avec une vengeance) Bruce Willis s’associe malgré lui à Samuel L. Jackson lors d’Une Journée en enfer pour empêcher une série d’attaques à New York. Les distributeurs français lui offrent un Retour en enfer pour le quatrième volet : Live Free or Die Hard (littéralement Vis libre ou crève), de Len Wiseman. Avouez qu’on est à la limite de l’acharnement. On pourrait craindre que dans l’épilogue A Good Day to Die Hard, de John Moore, retranscrit – enfin ! – à l’identique par Une Belle Journée pour mourir, l’heure serait venue de tirer sa révérence pour notre infatigable empêcheur de tourner en rond. Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, je vous laisse vérifier si sa réputation de dur à cuire s’est confirmée.

Encore plus surprenant, lorsque des films sont traduits de l’anglais…vers l’anglais. Vous croyiez que Very bad trip, de Todd Philips, était le titre original ? C’eût été logique, me diriez-vous, compte tenu de l’état dans lequel Bradley Cooper et ses acolytes se réveillent, après leur folle nuit. On dit bien « faire un mauvais trip » dans le cas d’une prise de drogues hallucinogènes. Pourtant, le titre initial aurait très bien fait l’affaire, puisque The Hangover signifie la gueule de bois. Sans doute les distributeurs français n’avaient-ils pas les idées très claires, eux non plus.

Certains titres de films sont intouchables, souvent parce que leurs auteurs l’exigent. C’est le cas, par exemple, de la saga au succès planétaire de George Lucas, Star Wars, dont les titres ont été scrupuleusement traduits à l’identique de la version américaine (d’Un nouvel espoir pour A New Hope jusqu’à L’Ascension de Skywalker pour The Rise of Skywalker). À une exception près et de taille : Star Wars aurait dû être traduit par Les guerres de l’étoile et non La guerre des étoiles. Sans doute encore une histoire de sonorité, mais non attestée officiellement. Et vous, quel aurait été votre choix ?

Même traitement de faveur pour la série des James Bond. Pas de fantaisie ni d’excès, dans la pure tradition britannique.

C’est comme si le spectateur ne pouvait pas comprendre le sens d’un titre et qu’on avait besoin de l’infantiliser. À ce propos, pensez-vous qu’un enfant français aurait plus de mal qu’un enfant norvégien ou québécois à faire le lien entre les mots gel ou gelée et une héroïne de dessin animé, capable de transformer tout ce qu’elle touche en glace ? C’est pourtant les titres qui ont été choisis en Scandinavie et au Québec pour traduire Frozen, alias La Reine des neiges. Enfin, cela aurait pu être pire : ont-ils pensé à Gelée royale ou bien La Glacière ? OK, j’arrête de délirer, ou plutôt j’arrête mon « mauvais trip ».

Je ne pouvais conclure sans rendre hommage à nos cousins québécois qui transigent beaucoup moins que nous dans leurs traductions, en conservant, quasi systématiquement, le sens original des titres des œuvres étrangères. On les connaît pour être parfois plus francophones et francophiles que les Français eux-mêmes. Je l’admets, le résultat n’est pas toujours des plus heureux, mais qu’importe, il s’agit du respect du travail de l’auteur. Pensez-y à l’occasion de votre prochaine sortie cinéma.

*Le titre original des Dents de de la mer de Steven Spielberg est Jaws (littéralement « Mâchoires » en anglais).

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